Passion Généalogie : un plaidoyer convaincant basé sur une pratique rigoureuse et émouvante
L’ouvrage proposé par Murièle Ochoa-Gadaut écrit avec l’aide de Mélissa Perraudeau dévoile comme rarement auparavant les dessous du métier de généalogiste professionnel.
La consultation de vieux papiers jaunis pique la curiosité au fil d’enquêtes initialement improbables. Leur réalisation présentée au long de parcours imprévus et leur issue parfois surprenante offrent au lecteur une expérience immersive inédite. De quoi justifier amplement le titre engageant du livre …
Une pratique de la généalogie professionnelle présentée à la faveur d’un réel savoir-faire
Nombreuses sont les publications de généalogistes qui se consacrent à la présentation d’outils et de fonds d’archives en vue de retrouver quelques traces d’un ancêtre sous un angle thématique ou géographique.
Murièle Ochoa-Gadaut s’écarte de cette approche traditionnelle et exclusivement pratico-pratique.
Son pari ? Élargir le propos. Et présenter son activité professionnelle de la même manière qu’un garagiste éveillerait déjà l’intérêt d’un passionné de mécanique en soulevant le capot d’une voiture. Un pari osé … et réussi !
Sa recette ? Un découpage bien étudié du livre et des choix d’enquêtes qui permettent d’illustrer le métier avec ses enjeux et ses exigences, dans ses différents terrains de réalisation. En révélant quelques astuces au passage.
Ajoutons également en référence à la co-auteure Mélissa Perraudeau que le tout est évoqué avec simplicité dans une narration plaisante qui combine habilement les registres rationnel et émotionnel.
Les ingrédients d’une crédibilité professionnelle font aussi leur apparition au fil des pages du livre.
Ils tiennent en cette formule :
« Tout le métier de généalogiste professionnel. Rien que le métier de généalogiste professionnel »
Nulle intention ici d’écarter la généalogie successorale. Mais c’est principalement d’une forme de généalogie familiale étendue que traite l’ouvrage.
Certes, on peut imaginer un quotidien de travail parfois plus routinier ou moins excitant que cette sélection d’expériences présentées dans l’ouvrage. Ses chapitres successifs laissent toutefois apparaître une vision prometteuse de la généalogie familiale (qu’incarne désormais Des Racines et des Actes).
Cette approche nourrit et transmet une passion au point de devoir réitérer cet avertissement : la généalogie familiale peut même se révéler addictive chez certains …
« Tout le métier de généalogiste professionnel …
La quête de racines, le besoin de se relier à un passé, de disposer des sources d’identification constitue un besoin humain général qui est naturellement aussi abordé avec les bénéficiaires des enquêtes présentées dans « Passion généalogie ».
Mais on n’y répond pas avec ces reconstitutions d’arbres symbolisant une recherche d’exhaustivité à défaut d’un véritable objectif.
L’envie de se relier à des personnalités demeure inévitablement une demande à satisfaire. On lit à ce sujet le rêve irréalisé d’un client de cousiner avec Brigitte Macron (!) Et on se réjouit que l’absence de véritable sens lié à ce genre d’attente reste, élégamment, à peine effleurée.
Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de révéler ce qui peut relier des gens méconnus à un élément de notoriété. Il se justifie alors dans la mesure où ils lui apportent un éclairage nouveau, fût-il anecdotique (Pathé, Van Gogh, …).
Bien davantage, des motivations se transforment en véritables intrigues à dénouer. À l’image évoquée dans le livre d’un habile escroc caché derrière un être insaisissable, ou d’un être proche mais inconnu enfin identifié …
La généalogie vivante, un point fondamental de l’ouvrage …
La manière de répondre à ces motivations laisse entrevoir une conception du métier (qui mériterait d’ailleurs d’être conceptualisée) lorsque Murièle Ochoa-Gadaut évoque une généalogie vivante tournée vers celles et ceux dont on peut changer la vie.
Dès lors, l’arbre cesse de cacher la forêt généalogique ! Des motifs à la fois pratiques et existentiels de pratiquer une généalogie familiale trouvent leur place, souvent très loin des ramifications sans fin.
C’est ainsi par exemple que des questions liées au changement du nom de famille ou à l’obtention d’un certificat de nationalité sont abordées.
Soulignons aussi une expérience poussée en matière de généalogie touristique avec une véritable « expérience » visiteur qui fait d’ordinaire si largement défaut dans nos contrées. En effet, une telle pratique du tourisme généalogique accuse d’ordinaire un retard impressionnant comparativement au monde anglo-saxon. Regrettons juste au passage l’absence dans le livre d’une distinction plus prononcée avec le tourisme mémoriel qui s’en distingue pourtant à maints égards.
Une source d’inspiration pour certains généalogistes professionnels
D’ambition variable, réservant des surprises ou non, la recherche d’ancêtres reste une pratique qui exige de l’ordre, de la patience, de la persévérance et de la souplesse.
De ce point de vue, l’ouvrage peut servir à des généalogistes professionnels débutants ou en mal de stratégie.
La manière dont un réseau peut et doit se construire, la mobilisation d’atouts personnels valorisables (à l’exemple ici de la langue espagnole) ou l’ouverture à de nouvelles pratiques (de la généalogie foncière à l’émergence récente de la génétique) avec son lot d’auto-apprentissage (le défi de fixer une tradition orale par exemple) restent des voies à suivre. Elles sont explicitées à l’aide de quelques initiatives inspirantes.
Retenons aussi de ces évocations que l’échec d’une mission de recherche est parfois temporaire, le temps qu’un nouvel élément réactive l‘enquête parfois bien des années plus tard.
Modèle économique ?
Pièce manquante dans cette évocation de l’aspect du généalogiste professionnel, le lecteur reste sur sa faim au sujet du modèle économique permettant d’assurer des longs moments de dépouillements en archives ou une reprise ultérieure d’enquête.
La généalogie successorale classique et les compétences juridiques développées par ailleurs par l’auteure contribuent-elles dès à rééquilibrer ce volet familial ? Cet aspect du modèle économique personnel n’avait évidemment pas à être abordé. Il n’en demeure pas moins une question interpellante.
Déontologie et empathie
Dans le respect d’une déontologie qu’elle s’impose soigneusement, Murièle Ochoa-Gadaut ne lève que parfois très partiellement le voile sur les interactions avec ses clients au moment de leur communiquer un résultat. Le lecteur pourra néanmoins découvrir des cas bien différents dictés à la fois par la psychologie du demandeur, ses attentes, et l’ampleur variable du contenu de ce que l’enquête aura pu (ou non) mettre à jour.
Seul point commun : une profonde empathie. Nous pleurons ensemble, va ainsi jusqu’à écrire l’auteure, peu avare en déclencheurs émotionnels. Elle est d’ailleurs convaincue qu’une implication personnelle est de nature à favoriser une enquête. Avec un garde-fou : la nécessité de conserver une certaine imperméabilité.
On notera aussi au passage une interaction qui a inspiré le premier roman de la réalisatrice Maria Larrea sous le titre Les gens de Bilbao naissent où il veulent.
Au-delà du savoir-faire manifeste en la matière, observons que la question de la communication des résultats nous rapproche néanmoins d’une des limites du métier face à des exigences de savoir-faire d’ordre psychologique.
Mais ceci est un autre sujet … même si le constat vaut aussi pour d’autres métiers tels que des archivistes et, plus encore, pour les historiens qui pratiquent l’histoire de famille.
… Rien que le métier de généalogiste professionnel familial »
La généalogie familiale recourt exclusivement à des sources nominatives. Elles représentent une large panoplie d’informations générées pour des motifs administratifs ou personnels les plus divers.
Les enquêtes présentées dans l’ouvrage puisent d’autant plus remarquablement dans cette large panoplie que les sources privées, en ce compris iconographiques, ne sont pas dédaignées. Il en va ainsi d’une recherche motivée par l’existence d’une seule photo avec un résultat vraiment inespéré.
Ceci étant, la crédibilité de l’ouvrage achève de se construire en évitant à la généalogie de remplir des fonctions qui la dépassent ou de jouer des rôles qui la discréditent.
L’histoire d’une famille ne pourrait se reconstituer sans sortir de sa généalogie
La généalogie ne recouvre en réalité que les traces directes des ancêtres. Il faut y ajouter les traces indirectes des ancêtres pour disposer d’un ensemble exhaustif d’informations. Et ce n’est qu’à partir de ce moment que peut réellement débuter la reconstitution proprement dite de l’histoire d’une famille.
Cette reconstitution consiste précisément à exploiter ces informations et à générer un contenu supplémentaire. C’est d’ailleurs un défi lorsqu’on reconstitue des pans complets d’histoire familiale que d’éviter de passer sous silence la moitié de sa composante parce qu’elle est invisibilisée.
Or, comme le note précisément Murièle Ochoa-Gadaut, il est toujours plus facile de retrouver des fonds concernant les hommes alors que les femmes sont souvent presque « transparentes ». De fait ! Ce serait comme si la majeure partie de l’histoire d’une famille audoise en 1916 s’était déroulée à … Verdun !
En ce sens, c’est tout à l’honneur de Passion généalogie de ne pas donner à croire à ses clients qu’une recherche généalogique fournit à elle seule l’histoire familiale. Elle n’en livre qu’une partie de la matière première, et sans l’exploiter.
Il s’agit donc de recourir à des méthodes historiques afin d’obtenir de quoi constituer un récit collectif bien plus large que l’addition des informations directes et indirectes des ancêtres qui le composent. C’est tout l’objet de la méthode qui consiste à extraire la sève de l’arbre généalogique™ (en téléchargement libre).
Des prémonitions … rétroactives !
Murièle Ochoa-Gadaut exprime sa conviction d’une évidence des liens du sang à l’observation d’une passion commune entre des apparentés qui ne se sont jamais connus. Les répétitions de noms ou de dates l’interpellent.
De quoi inspirer une démarche thérapeutique ?
Sa prudence prévaut en matière de psycho-généalogie, une pratique dénuée d’encadrement et surveillée depuis plusieurs années par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Comment lui donner tort … sachant que les fondements scientifiques de cette pseudo discipline ne sont, tout au plus que guère consistants.
Pour conclure … une valeur sûre !
Êtes-vous simplement curieux du passé, fan ou praticien de généalogie, généalogiste professionnel ou même historien de formation ? … ce livre ne manquera pas d’éveiller votre intérêt.
Je le considère comme une valeur sûre pour découvrir une activité généalogique. Sa lecture augure d’un moment agréable et instructif.
Vincent Vagman